La neige commence à fondre sur les territoires du Solengard, et face à la promesse du retour imminent du beau temps, un soldat lave ses bottes et se souvient.

Il se souvient qu’il y a de cela un an à peine, une guerre avait éclaté entre deux nations étrangères sur le sol de sa patrie.

Le soldat lave la boue mélangée au sang incrustée dans tous les plis de ses bottes, et alors que la crasse succombe à sa brosse, sa mémoire, elle, demeure intacte et passe en boucle les événements qui ont changé à tout jamais le destin du Solengard.

Comment oublier?

Il y eut d’abord l’arrivée des étrangers et leurs armées. L’été commençait à peine à prendre sa place quand la guerre opposant les Royaumes Unifiés et l’Empire Vestalien vint faire son nid au Solengard, un royaume qui n’avait aucune attache avec ce conflit. Après maintes escarmouches et batailles sanglantes, le célèbre combat de La Colline imposa aux grandes puissances de déclarer une trêve. Le village d’Olenberg, un des rares vestiges ayant survécu à la destruction, fut alors élu pour recevoir les délégations de diplomates.

La trêve, cependant, ne fut pas simple à atteindre. Des capitaines qui ne connaissaient de la paix que les manières de la mettre en péril continuèrent le combat au sein même du village qui devait être le symbole des ententes à venir. Nathaniel de Corne de l’Empire Vestalien et Evans Corbyn des Royaumes Unifiés menèrent un fois de plus leurs troupes au combat, faisant couler larmes et sang sans considération pour les victimes de leur violence. Si ce n’avait été de l’intervention des représentants des deux nations en négociation, le Chevalier Manius Equitius Ambrosius et la dame de compagnie Katherys Llana Heivaris, la guerre aurait probablement repris de plus belle. C’est lors d’une exécution conjointe des deux capitaines que l’importance de la trêve fut scellée et que les réelles négociations débutèrent.

Ce n’est toutefois pas uniquement cette trêve qui attirait les envahisseurs; le sol du Solengard était désormais piétiné par des représentants de toutes les nations, envoyés pour protéger leurs intérêts et pour tirer avantage de cette situation particulière. De l’Empire du Shalrassar, une importante délégation menée par Imyr Rahavos vint rétablir les routes commerciales esquintées par les conflits. Du territoire du Rrôhtengar, plusieurs groupes et clans plantèrent leurs campements au royaume assiégé pour des motifs aussi nombreux que leurs allégeances et avec comme seul guide, un Protecteur. Que ce soit pour la gloire, le pouvoir ou la richesse, les curieux avides d’aventure se sont engouffrés sur les routes et ont fait des villages dévastés leurs nouvelles demeures.

Le soldat cire ses bottes et se souvient des intempéries qu’elles ont traversées pour assister au développement du village d’Olenberg suite à la redéfinition de la souveraineté du Solengard.

La pluie était torrentielle, mais la diplomatie était rayonnante quand le gouverneur du village, Émile Roven, invita les nouveaux venus à participer aux traditions locales et à façonner l’horizon politique qui encadrera la cohabitation. Malgré l’averse qui bouleversait encore le Royaume, un rayon d’espoir illuminait désormais la perspective d’un avenir uni. Ce dessein, hélas, fut rapidement ombragé par le frère du défunt roi qui ne voyait pas de bon augure la présence des étrangers. Le soldat se souvient de la petite armée envoyée par Le Duc de Ronce suite à l’arrestation de son négociateur Maeterlinck pour s’assurer de l’intégrité de son messager…

Une petite escorte qui eut de grandes répercussions sur le village d’Olenberg.

Ce qui devait être une simple opération militaire se transforma en délégation de négociation dirigée par Roderick Montjoli, un déserteur qui avait rejoint la cause du Solengard, Il suffit d’une journée de discussions et d’ententes féroces pour que cette équipe conclut des marchés et forme des liens afin d’assurer le contrôle du royaume par la lignée royale des Savenkov, alors uniquement représentée par le Duc de Ronce, Mikhail Savenkov.

Hélas, bien que les intentions du Gouverneur et du Duc étaient semblables, leurs méthodes étaient à l’opposé et les deux partis ne voyaient pas d’un bon œil les aspirations de son opposant. Le village d’Olenberg devint ainsi le parchemin sur lequel devait être inscrit à encre écarlate l’avenir du Solengard. Des familles et des factions étrangères joignaient la cause du Gouverneur alors que le Duc accumulait bannières et fidèles. Ceux qui étaient arrivés en étrangers sur les paysages du royaume étaient bien décidés à ne pas laisser le destin de ces horizons s’écrire sans eux.

Le soldat se souvient de la lutte effrénée pour contrôler le village, lui-même ne sachant pas dans quel camp y planter ses bottes.

Le royaume sortait à peine d’un conflit majeur et tombait aussitôt en guerre civile. Les troupes du Duc et du Gouverneur s’affrontèrent au village d’Olenberg, à ses frontières et à travers le royaume du Solengard. Chaque camp remportait des batailles et des points d’intérêts à tour de rôle, augmentant sans cesse la gravité de la situation. Le soldat se souvient avoir espéré la veille du combat qu’un camp, peu importe lequel, reçoive un appui absolu, rendant désuet la résistance de l’autre. Un scénario dans lequel les deux partis accumulent autant de soutien était une vraie catastrophe pour la sécurité du royaume. Suffisamment de lumière avait quitté la population, plus de mort ne servirait à rien.

Alors que le conflit était sur le point d’exploser et le sang de couler à flot, un appui inattendu sorti du néant pour faire basculer la victoire. Syméon Savenkov, le prince héritier du Solengard que tous croyaient disparu, apparut au centre du village pour invoquer la paix. Il y reconnut son titre et son rang, mais également son incapacité actuelle à régner. Lors d’un discours poignant qui fit oublier le froid et la haine, il nomma officiellement son oncle Mikhail Savenkov comme régent du royaume et lui commanda, comme premier décret royal, de conserver Émile Roven comme Gouverneur du village d’Olenberg. Le prince retourna enfin auprès de sa population, préparant son apprentissage à venir pour planifier sa coronation.

Le soldat se souvient de l’émotion vive qui l’avait submergé quand il avait découvert que l’Héritier était encore en vie; les rumeurs le voulaient mort, ou même pire, dans les bras de l’Entité. Une joie qui se transforma rapidement en tristesse en apprenant que cela n’avait pas été la réponse à tout.

Soit, le Gouverneur gardait son titre et le Duc gagnait la légitimité escomptée, mais d’autres figures marquantes avaient souffert de cet affrontement. Notamment, le maréchal Nazarov, fidèle au Gouverneur, qui a été capturé par les forces de Mikhail lors de la conquête du château royal. Aucun décret ne le protège et le Duc n’est pas réputé pour sa clémence, le soldat ne peut qu’espérer que son châtiment sera clément. Comme il serait dantesque que d’exécuter une personne ayant fait autant de bien pour le royaume, un Dolnaïr de surcroît qui n’aurait comme unique destinée que de voir sa lumière s’engouffrer dans les Profondeurs.

Le soldat finit de lacer ses bottes et ne peut retenir un frisson en observant la nuit montrer le bout de son nez, car il se souvient que les guerres n’eurent pas comme unique conséquence d’endeuiller parents et amis. Les conflits ont également réveillé un problème qui sommeillait depuis longtemps dans la forêt : un mal qui gronde son mécontentement de plus en plus bruyamment et qui met en péril la survie de tous les habitants du village. Heureusement que les étrangers ont le cœur au combat, car les Sentinelles chargées de la patrouille des forêts en auraient eu plein les bras.

Le soldat dépose ses bottes et regarde la neige qui recouvre les routes de sa nation. Il sait que le manteau de l’hiver n’aura pas suffit à guérir les cicatrices de ces immondes guerres et craint de les redécouvrir gangrenées une fois le printemps bien installé. Qui sait ce qu’une telle odeur pourrait attirer? Déjà, des rumeurs de l’arrivée de nombreux groupes criminels qui font de cette terre déchirée leur terrain de jeu se multiplient, sans parler des représentants religieux qui afflue pour s’assurer de la présence de leur foi dans le royaume à reconstruire.

Le soldat observe ses bottes à ses côtés en se disant que jamais il n’oublierait l’année tourmentée qui vient de se terminer. À l’aube d’une toute nouvelle, encore couvée par son linceul immaculé, il ne peut qu’espérer que ses pas continueront longtemps à fouler les routes du Solengard, car ces chemins seront assurément truffés de problèmes qu’il voudra aider à résoudre.

Qu’adviendra t’il de l’Héritier, qui doit maintenant se faire former pour prendre son titre de roi?

Comment la gouvernance d’Émile Roven sera influencée par le nouveau régent?
Qu’ont planifiées les nations pour l’avenir de ce royaume et qu’en est-il de leurs propres intérêts?

Tant de questions et de possibilités que le soldat, comme tout le monde, rumine dans son esprit. Il n’existe pourtant qu’une façon d’en avoir le cœur net. Il faut être présent à tous les moments.

Un soldat a fini de laver ses bottes et est prêt à entamer une nouvelle année, et vous, prendrez-vous les routes du Solengard?